Article à "La Une" Les considérations sociales dans les marchés publics
Selon les données communiquées par l’Observatoire Economique de la Commande Publique (OECP), la part de clauses sociales (en nombre) dans les marchés publics est passée de 12% en 2014 à 22,3% en 2022.
Or, l’objectif fixé par le Plan National d’Action pour les Achats Publics Durables (PNAAPD) pour la période 2015-2020 était de 25% des marchés passés au cours de l’année comprennent au moins une disposition sociale.
Dès lors, afin de faire décoller l’intégration de telles clauses, les pouvoirs publics ont décidé de passer d’une logique d’objectifs à des obligations s’agissant de la prise en compte du développement durable dans la commande publique.
Aussi, la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 dite « Climat et résilience » a introduit de nouvelles obligations dans le code de la commande publique. Plus précisément, cette loi a créé une nouvelle disposition imposant aux acheteurs publics d’inclure des conditions d’exécution prenant en compte des considérations sociales pour certains marchés publics.
Cette nouvelle obligation doit permettre d’atteindre le nouvel objectif fixé dans le Plan National pour des Achats Durables (PNAD) sur la période 2022-2025.
1. Le nouvel objectif fixé dans le PNAD en matière de considérations sociales
Le PNAD pour la période 2022-2025 fixe comme objectif que « d’ici 2025, 30% des contrats de la commande publique notifiés au cours de l’année comprennent au moins une considération sociale ».
Concrètement, une considération est le fait de rentrer en ligne de compte. Aussi, une considération sociale se définie comme la prise en compte de la dimension sociale dans l’acte d’achat.
Selon le PNAD, cette dimension sociale doit être entendue au sens large du terme à travers, par exemple, l‘insertion des publics éloignés de l’emploi et de personnes en situation de handicap, la lutte contre les discriminations, notamment la promotion de l’égalité femme/ homme, le respect des exigences éthiques (respect des droits de l’homme...) ou équitables, la performance dans la protection ou la formation des salariés, en lien avec la prestation commandée, etc.
Le retard de publication du PNAD pour la période 2022-2025 (mars 2022) s’explique, notamment, par la nécessité de prendre en compte les nouvelles obligations résultant de la loi « Climat et résilience ». En effet, ces nouvelles obligations devraient permettre d’atteindre cet objectif de 30% d’ici 2025.
2. L’obligation de prévoir des conditions d'exécution prenant en compte des considération sociales pour certains marchés publics
L’article 35 de loi n°2021-1104 du 22 août 2021 a introduit une nouvelle disposition dans le code de la commande publique. Plus précisément, le nouvel article L.2112-2-1-1 dispose que « l'acheteur prévoit des conditions d'exécution prenant en compte des considérations relatives au domaine social ou à l'emploi notamment en faveur des personnes défavorisées, dans ses marchés dont la valeur estimée est égale ou supérieure aux seuils européens figurant dans un avis annexé au présent code » puis prévoit 4 exceptions à cette obligation.
Dans ce cas, il conviendra de justifier, dans le rapport de présentation de la procédure, que le marché répond effectivement à l’une des exceptions. Ainsi, pour tous les marchés supérieurs aux seuils européens, le principe sera d’inclure obligatoirement des conditions d’exécution prenant en compte des considérations sociales.
Cette nouvelle obligation doit entrer en vigueur le 22 août 2026 afin de laisser le temps aux acheteurs d’intégrer cette nouvelle obligation. Toutefois, l’article 35 de la loi « Climat et résilience » a été modifiée par l’article 29 de la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte afin de préciser que les dispositions relations aux conditions d’exécution entreront en vigueur à des dates « fixées par décret en fonction de l’objet du marché et au plus tard cinq ans après la promulgation de la présente loi ». Concrètement, cette anticipation de l’entrée en vigueur semble viser principalement les produits ayant un impact direct sur la décarbonation de la France (ex. : véhicules électriques, pompes à chaleur …).
Conclusion
Dès lors ces nouvelles obligations seront en vigueur, les acheteurs publics devront réaliser un reporting du recours à de telles considérations sociales dans les marchés publics dans le cadre de la publication des données essentielles de la commande publique (DECP). Aussi, les acheteurs publics devront préciser, pour chaque marché, si le marché comporte une « clause sociale », un « critère social », est un « marché réservé » ou s’il ne comporte « pas de considération sociale ».
Au-delà de la comptabilisation de la présence de telles clauses, la prise en compte de considérations sociales vise à faire de la commande publique (qui représente environ 10% du PIB français) un levier essentiel de la politique publique de lutte contre le chômage, l’exclusion, du respect des droits de l’Homme ou encore de la promotion du commerce équitable.
Afin d’accompagner les acheteurs dans cette démarche, l’OECP a mis à jour, en novembre 2023, le guide sur les aspects sociaux dans la commande publique. Aussi, tous les CCAG ont été mis à jour en 2021 afin d’intégrer une clause d’insertion sociale type et un appel à projet a été lancé en 2022 afin de recruter de 95 facilitateurs chargés d’assister les acheteurs publics dans la détermination de l’effort d’insertion pour chaque marché puis du suivi de la clause avec les titulaires.
Les obligations sont déterminées et les outils d’accompagnement ont été développés. Dès lors, les acheteurs publics, chef d’orchestre des projets d’achat, vont devoir embarquer toutes les parties prenantes dans cette démarche et, accessoirement, atteindre les objectifs fixés par le PNAD.